« Vous ne m’avez pas donné l’antibiotique ? Vous allez voir ce que vous allez voir, je vais revenir avec mes amis et on va vous casser la gueule. » Ce genre de choses, cela arrive malheureusement et cette violence-là elle est très préoccupante. Benoit Coulon

Benoit Coulon est un médecin généraliste établi à Besançon. Il est membre de l’association Médecins pour Demain, dont il est co-responsable pour la région Bourgogne-Franche-Comté et il est membre du conseil d’administration national. Ce mouvement a été le fer de lance, à la fin de l’année 2022, des revendications émanant des médecins libéraux quant à une revalorisation du tarif des consultations.

Une Certaine Idée : Quelle est la situation actuelle des violences commises contre les personnels médicaux ?
Benoit Coulon : La situation actuelle, c’est plus de 1000 agressions par an. Dans les hôpitaux, et notamment dans les services d’urgence, sans être de la gravité du drame survenu au CHU de Reims, les agressions et les incivilités sont quotidiennes.

1009 cas déclarés en 2021, 1244 en 2022. Et ce dernier chiffre du Conseil de l’Ordre est très certainement sous-estimé puisque purement déclaratif. Et cela ne recense que les violences contre les médecins.

UCI : Quelles sont selon vous les causes de cette augmentation des violences ?
BC : La violence monte dans la société tout entière. Je pense qu’il y a une perte de repères, une perte de respect d’autrui, ce qui est pourtant le minimum. Ces violences ont touché les élus récemment, elles touchent les soignants aujourd’hui : elles sont transversales. C’est un problème de fond vraiment préoccupant et qui n’a fait que s’aggraver.

 
UCI : Ces agressions ont-elles un impact sur la diminution du nombre de praticiens ? Et donc, in fine, sur la qualité des soins ?
BC : Il s’agit de l’un des facteurs qui concourt à la perte de praticiens. Il nous manque aujourd’hui 30% de praticiens hospitaliers et, en ville, en milieu libéral, la même chose commence à arriver. Si les gens finissent par jeter l’éponge, c’est aussi par manque de soutien de la part des autorités de tutelle : qu’on soit médecin ou infirmier, il y a le sentiment d’être livré à soi-même. Et, à un moment : trop c’est trop.

C’est un langage qu’on entend beaucoup chez Médecins pour Demain, notamment au niveau des femmes, malheureusement davantage victimes des agressions a minima verbales, des incivilités, etc. Elles nous disent : « Je préfère arrêter pour me préserver, physiquement, psychologiquement. »

UCI : Avez-vous un exemple de ce qui peut déclencher ces violences ?
BC : Les prescriptions. « Vous ne m’avez pas donné l’antibiotique ? Vous allez voir ce que vous allez voir, je vais revenir avec mes amis et on va vous casser la gueule. » Ce genre de choses, cela arrive malheureusement et cette violence-là elle est très préoccupante.

UCI : Comment les victimes de ces agressions sont-elles accompagnées ? Y-a-t-il des réponses concrètes ?
BC : Pour les accompagnements, je crois qu’il existe, au niveau des conseils départementaux de l’ordre, des cellules qui peuvent accompagner, tout du moins des cellules de signalement. Ils font remonter toutes les agressions au conseil de l’ordre et, ensuite, il peut y avoir un accompagnement effectif qui s’organise au niveau départemental.

Après, comment régler cette violence ? D’abord, par l’éducation : il faut réapprendre le respect des personnes qui peuvent avoir des opinions différentes ou des cultures différentes.


L’individualisme qui monte dans la société est un vrai problème : les gens regardent plus leur nombril et développent une intolérance infantile à la frustration de plus en plus importante. Il faut donc à la fois revaloriser le rôle du directeur de collège, du directeur de lycée, du proviseur, de l’enseignant, et redonner un respect de l’autorité, à tout niveau.

Ensuite, restaurer l’autorité, et ce dès les premières incivilités. On peut, sur le modèle de ce qui existe aux Pays-Bas, et ce dès les premiers débordements, avoir une sanction qui fait aussi office de principe éducatif. Une sanction qui dit : « Ce que vous faites c’est mal. » Il faut que les personnes inciviles s’entendent dire que leur comportement n’est pas acceptable, et que cela peut même être sanctionné. Il faut à la fois l’éducation et la sanction.

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