
Henri d’Anselme, qui s’est fait connaître par son acte de bravoure lors de l’attaque au couteau survenue à Annecy en juin dernier, a accepté de répondre à nos questions et de nous parler de son tour de France des cathédrales, ainsi que de la quête du beau qu’il souhaiterait voir revenir au cœur de l’identité française.
Propos recueillis par Bartolomé Lenoir.
Une Certaine Idée : Parlez-nous de votre projet « Le chant des cathédrales » : quel en est l’objectif ?
Henri d’Anselme : Mon objectif est de faire le tour de France des cathédrales, qui devrait s’achever à Noël. Au début, je voulais faire simplement une aventure de neuf mois à travers la France à pied, mais, au bout de deux mois de marche, j’en ai eu marre de marcher (rires). Ma volonté s’est alors portée sur le projet de visiter le maximum de nos cathédrales, et de les montrer au plus grand nombre.
En les faisant découvrir, on défend ce patrimoine. Le patrimoine religieux est le premier patrimoine menacé en France. On voit bien le nombre d’églises fermées, mal entretenues, détruites. Avec nos cathédrales, je montre en quelque sorte la crème de la crème du patrimoine religieux, dans toute la France. Et, en le montrant, on montre qu’il faut le préserver.
La première des questions que j’invite les gens à se poser au cours de ce tour de France, c’est : pourquoi y-a-t-il autant de cathédrales en France, toutes construites en l’espace de 300/400 ans ? Pourquoi, d’un coup, la France s’est-elle couverte de cathédrales ? Et la seconde question qu’il faut se poser, en lien avec la première : qu’est-ce que ce passé dit de nous aujourd’hui ?

UCI : Allez-vous fournir une réponse à l’issue de ce voyage ?
HDA : Le voyage est une réponse en soi. Une des premières réponses, c’est que notre pays est un pays chrétien, et que cela a un sens : ce n’est pas anecdotique.
“À travers mon tour des cathédrales, je veux d’abord montrer que nous avons hérité de nos ancêtres un trésor inestimable.”
UCI : Quelles leçons pour aujourd’hui pouvons-nous tirer de ces racines chrétiennes ?
HDA : À travers mon tour des cathédrales, je veux d’abord montrer que nous avons hérité de nos ancêtres un trésor inestimable. Nous sommes dans l’urgence de devoir les entretenir mais il faut aussi les contempler, c’est-à-dire nous les réapproprier. C’est en se réappropriant leur beauté que nous serons capables de rebâtir une unité. Celle-ci passe nécessairement par la beauté.
UCI : Est-ce que ce chemin est d’abord animé par la foi ?
HDA : Ce chemin est animé en partie par ma foi, mais pas seulement. La foi est une dimension personnelle que je garde pour moi. C’est une rencontre intime avec le Christ qui transcende une vie. Cette expérience de la rencontre avec Dieu, pour ceux qui la recherchent, on peut la faire à travers la beauté des cathédrales. Ce serait là le sens spirituel de ce voyage.
Mais ma démarche excède la démarche spirituelle. Il y a aussi l’aspect patrimonial, culturel et artistique. La cathédrale existe en tant que maison de Dieu mais, autour de cela, il y a un déploiement historique, scientifique, politique, culturel, artistique, philosophique. Les cathédrales sont le témoignage d’une époque où tous ces domaines étaient dirigés vers Dieu.

UCI : Une époque animée par la recherche du beau : est-ce que selon toi cette recherche est aujourd’hui négligée ?
HDA : Tout à fait ! Aujourd’hui, on fait les choses pour qu’elles soient utiles. On oublie qu’avant que les choses soient utiles, elles doivent être belles. Ce qui compte, dans les choses, dans toutes les choses du quotidien, c’est ce qu’elles nous inspirent et non en quoi elles nous sont utiles.
Une maison, avant d’être un toit qui protège des intempéries, doit inspirer quelque chose à notre cœur, être un lieu où on se sent bien. L’homme est un animal certes matériel mais spirituel aussi. Notre âme a aussi besoin de nourriture, et cette nourriture c’est le beau.
Nos anciens avaient cette sagesse et elle se retrouve dans les cathédrales. Une cathédrale, ça ne sert à rien, c’est du beau gratuit, des bâtiments qui s’adressent prioritairement à l’âme.
“Je rencontre beaucoup de gens en visitant les cathédrales et beaucoup se déclarent athées ou agnostiques mais adorent entrer dans les églises ou les cathédrales.”
UCI : Dans les églises, il y a le beau mais il y a aussi une atmosphère, notamment un silence. N’est-ce pas un moyen de trouver un moyen de répit dans un monde toujours pressé ?
HDA : Je suis parfaitement d’accord. Je rencontre beaucoup de gens en visitant les cathédrales et beaucoup se déclarent athées ou agnostiques mais adorent entrer dans les églises ou les cathédrales.
En entrant dans ce genre d’édifice, on sort du temps : on vient se nicher dans un endroit qui est complètement éternel puisqu’elles ont été construites à une époque où on réfléchissait dans le temps long, pour qu’elles durent le plus longtemps possible. Dans une église, tous nos soucis du quotidien disparaissent car on entre dans quelque chose qui nous dépasse.
UCI : Dans cette immensité des cathédrales, est-il encore possible, au milieu des visites et des touristes, de trouver un calme véritable ?
HDA : Les cathédrales sont tout d’abord des édifices voués au culte. Même si elles sont ouvertes aux touristes, il y a toujours un endroit réservé à la prière. C’est quelque chose auxquels les diocèses sont très attachés. Il est possible, même dans les cathédrales très touristiques, de trouver un espace de prière et de silence.

UCI : Combien y-a-t-il de cathédrales en France ?
HDA : Au sens strict du terme, il y en aurait autant que de diocèses, donc environ 90. Mais, à travers notre riche histoire, nous avons eu beaucoup de diocèses, qui ont été redécoupées à divers moments, notamment sous Napoléon. Certains font donc monter le nombre des cathédrales à 205.
UCI : Quelles cathédrales vous ont particulièrement marqué ?
HDA : Toutes les cathédrales ne se valent pas ! En termes d’architecture, toutes les époques ne se valent pas. Mais chaque époque à sa sagesse. En termes de qualité artistique, le XIIIe – XIVe siècles sont un âge d’or pour le sens du beau. Dans l’art roman, il y avait aussi un certain dénuement qui invitait peut-être davantage à la prière.
UCI : Si vous deviez établir un top 3, quelles seraient ces trois cathédrales ?
HDA : Ce serait trop difficile, je serais incapable. Je suis toujours touché par chacune d’elles. Mais si je devais évoquer les cathédrales qui m’ont fait un effet « waouh », ce sont les grandes cathédrales gothiques comme Amiens, Strasbourg ou Rouen par exemple.
UCI : Le drame d’Annecy a-t-il été un pivot dans votre démarche ? Comment cela a-t-il influencé votre voyage ?
HDA : Cela n’a pas du tout changé l’esprit de ma démarche. C’est certain que cela a été un événement médiatique important. Comme catholique, je crois en la Providence et je pense que j’ai été à cet endroit pour une raison.