
Alexandra Borchio-Fontimp est sénatrice Les Républicains des Alpes-Maritimes. Porte-parole et référente pour les questions relatives au numérique et à l’intelligence artificielle dans le cabinet fantôme mis en place par le président du parti Éric Ciotti, elle s’intéresse par ailleurs à diverses problématiques touchant la jeunesse, dont l’exposition précoce et importante aux contenus pornographiques.
« Cela a vraiment détruit mon cerveau ». Ces mots, ce sont ceux de Billie Eilish.
Artiste accomplie et plébiscitée par des millions de jeunes partout dans le monde, elle s’est emparée du sujet de l’accès des mineurs à la pornographie dès 2021. En effet, son témoignage glaçant n’est pas sans rappeler celui de milliers d’autres adolescents voire enfants.
L’innocence des premières années s’est vite transformée en une imitation malsaine des pratiques sexuelles diffusées dans les films pornographiques. À force de visionnages répétés dès l’âge de 11 ans, les conséquences ne sont pas faites attendre ; intégration de pratiques non consenties réellement et humiliations banalisées de la Femme.
Le sursaut était alors inévitable mais pourquoi attendre autant de souffrances pour protéger désormais ceux que nous pouvons encore sauver des griffes de cette industrie.
Et si l’expression coutume veut qu’un Président ne devrait pas dire ça, un enfant lui ne devrait jamais voir ça.
Ce combat pour la santé tant physique que psychologique de notre jeunesse ne pourra se faire sans la mise en œuvre de mesures concrètes, fortes et volontaristes. Ainsi, le rapport sénatoriale « Porno : l’Enfer du décor », auquel j’ai participé aux côtés de mes collègues Annick Billon, Laurence Cohen et Laurence Rossignol semble avoir ouvert la voie et provoqué l’éveil des consciences.
Nous devons agir, certes, mais vite, surtout.
Tolérer que deux tiers des moins de quinze ans et un tiers des enfants de moins de douze ans aient déjà eu accès à de telles images de violences sexuelles, c’est tolérer de plonger toute une génération dans la brutalité d’une sexualité fantasmée et débridée à l’excès. Non, ce qui est filmé n’est pas la réalité. Non, les femmes ne sont pas des objets sexuels qui aiment se voir dégradées, rabaissées pour le seul plaisir d’un homme tout puissant.
Alors que la pornographie était perçue comme une forme d’interdit secret et intime pendant de longues années, il apparait que sa normalisation s’accélère de jour en jour… Au point d’irriguer notre société et de guider l’apprentissage et les actes sexuels de nos futurs adultes. Est-ce normal que Crystal (*), à l’âge de 10 ans, soit si dépendante de contenus pornographiques et par peur d’en être privée, bien que toutefois d’ores et déjà omniprésents dans sa vie quotidienne, en soit rendue à ne pas vouloir se rendre en camp de vacances ? La réponse est évidemment non. Crystal n’est pas la seule dans ce cas.
Est-ce acceptable que Hugo (**), six ans, s’interroge sur la non-assistance, dans une vidéo, d’un homme voyant une femme crier et avoir mal ? À nouveau, la réponse est évidemment non.
La multiplicité de ces témoignages, loin d’être anecdotiques, est le reflet d’une société malade qui intègre la violence comme une donnée inéluctable des comportements sexuels à adopter.
A l’épreuve d’un constat sans appel, la France demeure incapable de faire appliquer un texte salvateur : la loi du 30 juillet 2020 renforçant l’obligation pour les sites pornographiques de vérifier la majorité de leurs visiteurs. L’accès aux smartphones de plus en plus jeune est un vecteur considérable expliquant en partie l’augmentation de la consommation de tels contenus.
Face à cet immobilisme, Les Républicains, forts de leurs propositions, souhaitent logiquement que les parents soient également responsabilisés sur l’accès à ces sites – au numérique en général -. Pourtant, cela ne pourra être suffisant que si les plateformes concernées acceptent de se plier à la règle. Pour se faire, il est impérieux de donner davantage de moyens à l’Arcom pour opérer cette vérification essentielle de l’âge des utilisateurs.
Pour ne pas connaître le même sort que l’Australie qui revient sur sa promesse de contrôle de l’âge des utilisateurs, nous devons tous, dès à présent et dans l’urgence, travailler pour structurer un référentiel efficient et donc efficace. Si l’affichage d’un écran noir tant que l’âge n’est pas vérifié est un premier pas souhaité, il est nécessaire avant tout qu’une catégorie « violences sexuelles » soit érigée pour favoriser leur signalement et leur contrôle par Pharos.
Ces travaux parlementaires et les annonces ministérielles qui en ont découlées ne doivent pas tomber dans l’oubli collectif pour que chaque individualité puisse éclore sans être viciée.
Alexandra BORCHIO-FONTIMP
(*) Source : https://toutpoursagloire.com/article/pornographie-temoignage-crystal
(**) Source : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-porno-c-est-comme-la-coke-trois-jeunes-racontent-leur-addiction-20220930