
François d’Orcival est journaliste et membre de l’Institut de France. Il revient pour nous sur l’endettement qui ne cesse de s’accentuer en France ainsi que sur les conséquences d’une immigration de masse totalement dérégulée depuis 40 ans.
Une Certaine Idée : Quelle est votre vision des choses sur l’endettement du pays ?
François d’Orcival : On aurait pu penser qu’Emmanuel Macron, aux affaires sous François Hollande, puis élu Président de la République, ne pouvait pas ne pas être préoccupé par la hausse permanente de la dette publique en France. Depuis les années de crise financière 2008-2009, elle a plus que doublé, passant de 1 400 milliards d’euros en 2008 à plus de 3 000 milliards, au mois de mars de cette année. François Hollande ne s’était pas privé de critiquer la gestion de Nicolas Sarkozy. La sienne aura été pire. Emmanuel Macron est arrivé aux affaires en sachant ce qui se passait ; or cette évolution s’est non seulement poursuivie mais aggravée.
Il y a certes eu l’affaire du Covid qui a bousculé tout le monde et invite naturellement à l’indulgence. Notre déficit annuel a subitement franchi les 200 milliards d’euros pour revenir ensuite autour des 100 milliards. Ainsi, dès le Covid passé, la reprise de la dette s’est tout de même poursuivie avec une force inquiétante, d’autant que le « quoi qu’il en coûte » suivant le traitement social de la crise des gilets jaunes a également alourdi la dette. Sur une période longue, la courbe de la dette n’a donc pas cessé de s’élever.
Il faut ajouter un élément non négligeable : la suppression de la taxe d’habitation et la baisse des impôts sur l’entreprise ont également contribué à grossir le déficit et par extension la dette.
UCI : Est-ce qu’en réalité l’endettement n’essaie pas de combler, à sa façon, un déclin dans tous les domaines et colmater les différents problèmes ?
FDO : Si l’on voit les choses ainsi, nous allons nous retrouver dans une situation qui ne sera plus gérable. Les moyens de conduire une politique sont contraints par les éléments dont on dispose : or, plus la dette est forte et moins on a de liberté d’agir.
UCI : Comment voyez-vous la perspective pour les prochaines années ?
FDO : La dimension de notre endettement nous amènera forcément, et nous l’avons vu dans le passé, à la réduction des moyens dont nous disposons pour améliorer la situation du pays. La dette, ce n’est pas de l’argent disponible mais de l’argent que nous devons aller chercher ailleurs. La difficulté est de plus en plus forte, parce que cela nous pose un problème de souveraineté.
« Pouvons-nous laisser filer la dette ? » Si nous étions les États-Unis, la première puissance du monde, nous continuerions. Mais nous sommes la France, et nous sommes liés par nos accords et notre présence en Europe.
“La dimension de notre endettement nous amènera forcément, et nous l’avons vu dans le passé, à la réduction des moyens dont nous disposons pour améliorer la situation du pays.”
UCI : On a l’impression que la dette n’est jamais le sujet prioritaire des chefs de l’État. Est-ce qu’il n’y a pas là un usage problématique ?
FDO : Vous avez raison. Ce sujet n’emporte pas l’intérêt du public. L’opinion s’est habituée depuis des dizaines d’années au franchissement de caps successifs : des 1000 milliards aux 2000 milliards, et maintenant des 3000 milliards, en estimant qu’en fait cela ne coûte pas. Voyez Mélenchon, il dit à peu près ceci : rayons la dette, ce n’est pas le sujet.
UCI : Comment rendre ce sujet important aux yeux des Français ?
FDO : Il faut leur dire que cet argent ne tombe pas du ciel. Il doit forcément être emprunté, puis remboursé chaque année, et il faudra bien que quelqu’un le paie. Cela grève notre liberté de manœuvre, à commencer par ces 50 milliards par an que nous devons au coût de la dette.
UCI : Sur un tout autre sujet, une note de l’Institut Montaigne nous dit que, selon eux, en raison de notre crise démographique, nous aurons nécessairement besoin de l’immigration. Qu’en dites-vous ?
FDO : Il faut regarder les travaux effectués, avec un sérieux imparable, par les chercheurs de l’INSEE, au sujet de la signification économique de la démographie. Ils montrent que le problème de l’immigration est posé depuis 30 ou 40 ans. Que durant 30 ou 40 ans, nous avons traité d’une manière dangereuse le problème migratoire.
Nous avons d’abord cru que ce problème serait absorbé naturellement par la population française.
Pourquoi ne s’est-on pas rendu compte des conséquences de l’immigration ? Parce que nous n’avons pas anticipé la baisse de notre natalité. Aujourd’hui, les décès ne cessent de gagner du terrain sur les naissances.
“Nous sommes parvenus à une population française dont les deux tiers sont de source historique et un tiers d’origine étrangère.”
De surcroît, nous avons du constater que les naissances d’origine étrangère sont de plus en plus importantes en regard des naissances d’origine française. Avec les enfants des immigrés d’hier, les petits-enfants des immigrés d’avant-hier, nous sommes parvenus à une population française dont les deux tiers sont de source historique et un tiers d’origine étrangère.
Face à cette situation, toute mesure prise à des fins démographiques, ce qui serait logique, s’adressera naturellement à l’ensemble de la population, quelle qu’elle soit, « historique » ou pas… On peut prendre la question comme on voudra, cette réalité est imparable.
UCI : Quelles solutions pouvons-nous apporter malgré tout ?
FDO : Nous ne pouvons pas abandonner la natalité de notre population française, quelle qu’elle soit. Parce que notre avenir en dépend, en effet.