
A quelques heures d’un quart de finale décisif, Tudgual Denis, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, nous parle de “La France Rugby” et des polémiques qui ont pu émailler le début de la compétition.
Propos recueillis par Bartolomé Lenoir.
Une Certaine Idée : Avec Valeurs Actuelles, vous avez publié une couverture sur La France Rugby. Est-ce que vous pouvez, à l’approche du quart de finale, nous rappeler ce que vous vouliez dire ?
Tugdual Denis : La cérémonie d’ouverture avait provoqué un certain nombre de commentaires désobligeants sous prétexte qu’elle représentait un mode de vie, des valeurs et une culture qu’une certaine bien-pensance jugeait comme d’habitude rétrograde ou réactionnaire. Cela se superposait à l’idée que le rugby, traditionnellement, véhicule une ambiance et des valeurs qui nous semblaient sympathiques. Des valeurs qui ne sont pas politiques, ancrés notamment dans le sud-ouest dans des territoires tout à fait à gauche. Mais des valeurs d’équipe, loin de l’individualisme de notre société, avec moins de mercantilisme que dans le football.
On s’était donc dit que le succès du rugby en France n’était pas seulement lié au sport en lui-même mais s’attachait aussi à la popularité des valeurs véhiculées.
Le déclinisme ou la dégénérescence a ses limites. Il faut savoir dépasser le déclinisme, même s’il y a beaucoup de raisons de désespérer, et la dégénérescence, l’affaissement d’un certain nombre de valeurs et de pratiques. Remettre en cause une culture horizontale qui aspire à niveler par le bas pour proposer des choses toujours plus facilement comestibles. Alors que le rugby s’impose en sens inverse : tout d’abord les règles du rugby sont compliquées et exigent un effort pour s’y intéresser.
Les joueurs, peu importe leurs origines, dégagent un patriotisme et une tenue qui expliquent aussi le succès de ce sport.
UCI : La France Rugby n’est-elle pas un pied-de-nez à la France Woke ?
TD : C’est ce que disent ceux qui ont bien voulu témoigner dans le cadre de notre dossier. Ils mettent en avant un art de vivre : la tenue et l’esprit d’équipe des joueurs mais aussi des supporters, liés à des territoires aux identités fortes comme le Sud-Ouest, les Pyrénées, la Rochelle l’année passée à la suite de leur victoire en coupe d’Europe. Ces fiertés sont ancrées dans des traditions locales désuètes en comparaison avec ce qui fait la Une de la presse culturelle mais aussi très vivaces car les fêtes de Bayonne drainent toujours autant de monde.
UCI : Comment interprétez-vous la polémique liée à Jean Dujardin et à votre couverture ?
TD : Jean Dujardin s’est fait critiquer par Libération sous prétexte qu’il fait un spectacle consensuel dont chacun jugera la qualité artistique selon ses critères mais qui fait consensus sur les valeurs de fond. Il se fait critiquer et s’en explique sur Instagram, estimant que le patriotisme n’a pas à être associé forcément au nationalisme et à l’extrême-droite. Nous arrivons avec notre couverture et il se sent alors obligé, comme s’il fallait donner des gages de respectabilité, peut-être à ses employeurs potentiels, de se désolidariser alors que notre couverture était un grand cri d’amour pour sa personne.
UCI : Est-ce qu’il n’y a pas aussi une politisation excessive de tout fait d’actualité, y compris le sport ?
TD : Nous avons été l’énième journal à traiter de la question du rugby. Nous n’avons pas titré sur « Le rugby est un sport de droite » mais sur « La France rugby » en essayant d’aller au-delà des frontières de la droite, en demandant par exemple à Alexis Corbière de participer.
UCI : Quel pronostic pour le quart de finale ?
TD : Une victoire de la France quand même. Cela va être compliqué mais après la voie sera toute tracée.