
Une Certaine Idée a vu « Flo », le film biographique de Florence Arthaud réalisé par Géraldine Danon. Bartolomé Lenoir, directeur de la rédaction, vous raconte son expérience. SPOIL : foncez le voir !
« Flo », le biopic sur Florence Arthaud, vient de sortir au cinéma. La « petite fiancée de l’Océan Atlantique » était une célébrité dans la France des années 80 mais les plus jeunes générations, dont je fais partie, ont perdu de vue cette navigatrice hors norme pour ne plus se souvenir que de sa mort tragique en hélicoptère. En réalisant ce film, Géraldine Danon ne rend pas seulement hommage à son amie, elle livre une nouvelle héroïne aux jeunes générations.
Avant de nous plonger dans le destin de Florence Arthaud, il faut noter les prises de vues magnifiques des voiliers en mer. Rien n’est truqué, le seul fond vert qui existe c’est la mer. L’équipe du film a même été jusqu’à racheter le trimaran « Pierre 1er » sur lequel la navigatrice a remporté la route du Rhum en 1990. Philippe Poupon, navigateur bien connu et mari de Géraldine Danon, a d’ailleurs participé avec celui-ci à la route du Rhum de 2022. Ce cadre idyllique m’embarque dans le phénomène Arthaud.
Pendant une bonne partie du film, la navigatrice m’apparait comme une personnalité bipolaire qui oscille entre le creux et le sommet de la vague. Dans les sommets, elle est une championne en mer qui démontre qu’aucun homme n’est supérieur à une femme et dans les creux, elle brule la vie à terre. Effluve d’alcool et fumée de cigarettes sont les autres décors du film. Depuis mon fauteuil de cinéma, je la supplie de s’astreindre à un rythme de vie plus sain mais rien n’y fait. Peu à peu, les marins m’entourent, ses amis et ses amours, la musique bat la chamade. Je dois m’abandonner et l’admirer pour la mer mais aussi pour la terre. Tout en elle est liberté, elle fume et boit pour vivre comme on sait le faire à l’époque, sans faire attention. Ce n’est pas sa part sombre, c’est elle tout entière. Pour la première fois du film, Florence Arthaud m’inspire. Elle devient une héroïne. J’en tire un sentiment d’apaisement, comme après une séance de méditation « rien n’est parfait en nous, il faut assumer sa vocation pour vivre ».
Sur ce, le film continue et les scènes deviennent encore plus prégnantes car persistantes. Les smartphones nous habituent à zapper, le cinéma nous en empêche. Après ses petits voiliers de jeune navigatrice inconnue, Florence Arthaud apparaît dominant la mer avec son immense trimaran. La foule l’attend là où ses exploits passent. L’horizon s’ouvre à mes pieds et je ne suis plus à Paris. C’est le miracle du cinéma. Je repense à cette phrase de La Bruyère que j’ai entendu récemment dans la bouche de Sylvain Tesson : « Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre. ». Arthaud a vécu car Florence était libre. Elle a été jusqu’à s’extraire de l’autorité de son père, le célèbre éditeur Jacques Arthaud, pour accomplir sa vocation. Florence Arthaud, c’est l’espoir pour demain.
Je ressors de la séance accueillant avec joie la fraicheur de la rue et cherchant presque la tempête avant de me souvenir de la qualité de mon pied marin. Je redescends doucement dans un quotidien français qui compte désormais une femme de plus dans le panthéon de ses héros.