Avoriaz est une station Haute-Savoyarde d’une soixantaine d’année. Perchée sur une falaise des Alpes du Nord, au coeur des Portes du Soleil, elle a pour particularité d’être 100% piétonne.
Sébastien Mérignargues, en est aujourd’hui le directeur. Pour nous, cet amoureux de la montagne et ancien responsable des stations de Tignes et de Courchevel, dévoile le coût du plus célèbre des sports d’hiver : le ski.
Propos recueillis par Mylène NICOUD, journaliste chez UCI.
Combien coûte une journée ski à Avoriaz pour un skieur amateur ?
La moyenne pour une journée ski comprenant le forfait, la location de matériel et le repas est de 100€ en basse saison. Toutefois, si vous êtes organisé et suffisamment prévoyant, le prix peut tomber à 75€. Tout comme il peut être nettement supérieur si vous êtes demandeur de prestations exclusives ou si, en haute saison, vous aviez besoin d’un logement sur place.
En réalité, c’est donc assez variable selon :
- le choix du matériel : comptez du simple ou quintuple selon la qualité, le niveau de performance désiré…
- le moment de la saison : le prix varie jusqu’à -50% du prix public affiché si la réservation a été anticipée.
- le choix du déjeuner : il est évident qu’un sandwich sur les pistes au déjeuner vous fera économiser par apport au restaurant gastronomique de la station.
Ces prix ont-ils évolués au fil des années ? C’est-à-dire : skier dans les années 2000 revenait-il au même prix que skier en 2023 ?
Oui, clairement. Ne serait-ce d’abord que suite à l’inflation qui a fait augmenter le coût des différents consommables indispensables au domaine skiable. Ensuite, il y a eu des années plus difficiles que d’autres : l’année 2020 avec le Covid ou celle de 2008 après la crise, on a pu voir un vrai ralentissement. Au-delà des aléas conjoncturels, skier aujourd’hui coûte plus cher qu’auparavant. Le ski reste un loisir et ses prix suivent de manière générale le cours de l’économie globale.
L’expérience de vacances au ski est-elle encore possible pour un français touchant le SMIC aujourd’hui ?
Oui, skier seul en gagnant un SMIC est possible. L’expérience ne sera pas la même que celui qui aura les moyens de se payer un chalet au centre de la croisette de Courchevel mais ce n’est pas pour autant qu’elle sera décevante. Le français au SMIC se restreindra seulement sur la qualité des services annexes. Pour autant il bénéficiera de la même qualité de neige et des mêmes conditions météo que celui gagnant davantage. En revanche, venir skier en famille quand vous n’avez qu’un seul SMIC (1 398,69 €) pour quatre, c’est bien plus compliqué aujourd’hui, pour ne pas dire inaccessible si vous n’anticipez pas suffisamment votre séjour.
Le ski a-t-il toujours été un sport de “luxe”, presque réservé aux plus aisés, ou l’est-il devenu ?
Pour la population habitant les territoires de montagne, le ski n’a jamais été un sport de luxe. C’est leur quotidien. Néanmoins, si l’on revient aux origines : l’une des premières stations de France nait dans les années 1920 lorsque la Baronne de Rothschild, lassée de son séjour à Saint Moritz en Suisse, découvre Megève et y imagine la création d’une nouvelle station de sports d’hiver réservée à une clientèle initiée au confort, aux règles de savoir-vivre et de présentation de soi. Elle imagine donc une station réservée à l’aristocratie et au monde des affaires. Ainsi, dire de ce sport qu’il n’est pas luxueux mais l’est devenu est erroné. Le ski a toujours eut un coût. Si presque tout le monde peut se payer une journée de ski dans une station de proximité, tout le monde ne peut pas partir skier une semaine avec sa famille. Un tri financier s’opère. Là où pour aller courir il suffit de s’acheter une paire de baskets, pour aller skier, c’est un budget augmenté par le déplacement, la résidence, le matériel et l’apprentissage.
Depuis l’ouverture, et en comparaison avec les années précédentes, avez-vous vu un changement quant à la fréquentation : en nombre de skieur ? En type de skieurs (davantage de touristes ou de locaux) ?
Concernant Avoriaz, nous sommes sur une dynamique positive depuis 5 saisons avec des records de fréquentation battus chaque année. Quant à la montage en général, sa dynamique est stable, voire en légère régression de 1% ces dernières années.
Selon nos statistiques, notre clientèle est plutôt jeune : 80% de nos clients viennent pour skier. Dans les stations avoisinantes, certaines n’ont que 50% de skieurs (l’autre moitié venant se reposer). Niveau typicité, 55% de nos clients sont étrangers, dont 95% européens. Pour le reste, c’est du tourisme français dont le flux est proportionnel à la capacité de chaque région. De fait, vous trouverez davantage de parisiens sur les pistes que de sudistes.
Quant à l’ambiance sur les pistes, elle y est courtoise. On est loin des rivalités d’antan. Les locaux sont conscients qu’ils ont la chance de vivre ici, et d’y vivre bien, grâce aux vacanciers. Qui plus est, l’accueil fait partie intégrante de la fidélisation d’une clientèle. Or face à une concurrence accrue en matière de sport d’hiver, inutile de se tirer une balle dans le pied avec des comportements anti-touristes.
Le réchauffement climatique, inquiétude occultée cette année par l’inflation, reste-t-il un sujet ? Le ressent-on sur la qualité de la neige ?
Le domaine d’Avoriaz est préservé car nous sommes à 1800 mètres d’altitude. De fait, au moment où je vous parle, les sapins sont très chargés. En revanche, le bas des pistes des stations des Portes du Soleil de basse altitude est vert. Le réchauffement climatique s’installe chaque année un peu plus. Les anciens nous le disent encore. Autrefois, il ne pleuvait pas en hiver. Cette année, nous avons déjà eu 3 épisodes pluvieux. Autrefois, en France, vous aviez 6 stations ouvertes l’été dans lesquelles vous pouviez skier sur des glaciers. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une. Finalement, si cette année les conditions météo sont plutôt bonnes, l’année dernière les Alpes du Nord ont vécu leur plus mauvais hiver en terme d’enneigement depuis 60 ans. Ce recul devient la norme. Notre modèle de fonctionnement tel qu’il a vécu pendant des décennies doit aujourd’hui s’adapter pour perdurer.
Comment envisagez-vous le futur : l’inflation couplée au réchauffement climatique peuvent-ils avoir raison de la station ?
Pour Avoriaz, disons qu’à 25 ans le risque est mesuré concernant les chaleurs. Toutefois, revoir nos process dès aujourd’hui pour les 20 ans à venir est obligatoire, nécessaire et souhaitable. Car même si nous sommes privilégiés sur l’enneigement et notre positionnement unique sur le marché de part notre typicité piétonne, comprendre et anticiper l’évolution sociétale, et notamment l’évolution du budget alloué au ski par un vacancier sont des choses à intégrer pour survivre.
Et pour finir, la question bonus : sociologiquement, le skieur est-il plus à droite ou à gauche ?
Le ski fédère, transcende les orientations politiques. Un skieur de droite qui ne tournerait qu’à droite finirait dans le ravin. De même pour le skieur de gauche qui ne tournerait qu’à gauche ! Toutefois, en y réfléchissant un peu, le snowboardeur, lui, peut se dire de droite ou de gauche, selon si il est “goofy” (pied droit devant) ou “regular” (pied gauche devant). Il faudrait alors vérifier la tendance !