Par Noémie Carnet.
Les mots, Bernard Pivot les avaient. Aussi bien dans son cœur qu’au bout de sa plume. Celui qui, durant des années, a répandu la littérature dans le cœur des Français, était bien plus qu’un simple présentateur du vendredi soir : c’était un maestro de la langue française. De sa découverte du Larousse, au cours de son enfance en Auvergne, jusqu’aux scènes de ses grandes dictées, la vie tout entière de cet amoureux des livres fut rythmée par ces derniers. Dans un premier temps séduit par le métier de journaliste, ses nombreuses expériences au sein des diverses rédactions et radio françaises le stimulent, mais ne le satisfont pas. Bernard Pivot comprend alors que dire les mots ne lui suffit plus, ce qu’il veut, c’est les transmettre, les partager et les célébrer. C’est alors, en 1975, que naît l’émission culte qui va amener la littérature et ses auteurs dans le foyer des Français durant près de cinq ans : Apostrophe. Chaque semaine, les plus grands hommes de lettres, venus du monde entier, se relayaient sur le plateau de Pivot, où l’amour des mots et de la langue régnait en maître. Il semble évident que le bibliophile n’allait pas se contenter de rester sur le banc de touche : très rapidement, il s’essaye lui-même à l’écriture. L’amour en vogue, Les mots de ma vie, Dictionnaire amoureux du vin, il relate dans ses pages son affection pour les mots et la place qu’ils ont occupés dans sa vie. Grandes dictées, académie Goncourt, ou encore prix Interallié, après une vie vouée aux lettres, Bernard Pivot déclare en 2019 : « Après avoir passé mes journées à lire, j’ai envie de faire autre chose, de voyager, de voir les miens ». Il s’éteint le 6 mai 2024, des suites d’un cancer, à l’âge de 89 ans. Laissant la littérature française orpheline de son porte-parole le plus fidèle.
Apostrophe : une émission culte
Apostrophe, c’est de la littérature, de la légèreté et du partage. Diffusée tous les vendredis soir sur Antenne 2, devenu France 2, l’émission divertit les Français à base d’anecdotes culturelles, de témoignages forts et de conseils avisés. Bernard Pivot, chef d’orchestre de chaque entretien réussit à faire ressortir le meilleur de ses invités, apparaissant lui-même comme chaleureux, passionné et souvent très admiratif des personnalités qui lui font face. Bien loin de se vouloir sectaire, Apostrophe accueillait également des personnalités d’horizons différents, notamment politiques. Ainsi on a pu voir à plusieurs reprises le président François Mitterand parler proses et poésie au micro de Pivot.
Son coup de foudre pour le Larousse
Si beaucoup ont rencontré leur intérêt pour la lecture au travers des œuvres de Victor Hugo ou bien de Guy de Maupassant, Bernard Pivot, lui, la tire d’un ouvrage un peu plus insolite : le dictionnaire. « Le livre qui m’a changé la vie, c’est une vieille édition du petit Larousse que j’ai lu quand j’avais 7 ans. Je n’avais pas d’autres livres, c’était la guerre et comment se procurer des livres pendant la guerre ? Le premier livre que j’ai lu ce n’est pas un roman, ce n’est pas une bande dessinée, c’est un dictionnaire, il m’a donné le goût des mots et il est depuis resté en moi », a-t-il déclaré à La Grande Librairie. Si bien qu’à chaque fois qu’il évoque ses ouvrages préférés, le dictionnaire se place toujours en première position. Qu’il soit traditionnel ou un peu plus atypique, comme porté sur l’argot ou les gros mots, l’homme de lettre affirme qu’il ne passe pas un jour sans qu’il n’en ouvre un : « C’est aussi naturel pour moi que boire un verre d’eau », avait-il confié à Paris Match.
Les grandes dictées
S’il y a bien une chose que l’on retiendra de Bernard Pivot, c’est sa volonté inébranlable de partage. Partager son savoir et sa passion, il l’a fait à travers ses célèbres dictées, qu’il récitait à la télévision devant des milliers de téléspectateurs. « Si vous faites moins de cinq fautes, vous êtes un ou une crack. Si vous faites moins de dix fautes, vous êtes excellents, et si vous faites moins de quinze fautes, c’est pas mal du tout », tels étaient les sages conseils de l’écrivain. C’est ainsi, que Bernard Pivot a réussi à faire de la dictée une activité plaisante, qui rassemble et qui divertit, bien loin de la pression des salles de classe où on la retrouve habituellement.
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