Historien et auteur de Histoire du gaullisme social, Pierre Manenti revient avec un nouvel ouvrage : Les Barons du Gaullisme. Un ouvrage dans lequel il nous parle des six hommes qui ont crée et porté le gaullisme. A l’occasion du cinquentaine du deuxième Président de la 5ème République, il nous propose une recension du livre d’Alain Pompidou « Georges Pompidou, c’était mon père !« .
Le docteur Alain Pompidou, fils unique de Georges et Claude Pompidou, fait partie des gardiens vigilants de la mémoire pompidolienne. Témoignant régulièrement lors de colloques historiques, il a publié plusieurs livres au cours des dernières années, parmi lesquels les Lettres, notes et portraits de son père (Laffont, 2012) et un portrait saisissant de sa mère Claude : c’était ma mère (Flammarion, 2016). A la veille du 50ème anniversaire de la mort de son père, il ne pouvait faire autrement que de compléter cette grande saga familiale par un dernier tome avec C’était Georges, mon père (Laffont, 2023).
Et loin de la biographie surannée ou poussiéreuse, force est de reconnaître que ce livre nous plonge avec force de détails dans le quotidien de l’ancien Premier ministre et président de la République, pourtant connu pour sa pudeur. Alain Pompidou raconte ainsi les petits-déjeuners et parties de carte à Orvilliers, les morceaux de Bach écoutés entre père et fils à Cajarc, les voyages, en Italie comme en Grèce, les années d’apprentissage puis de pouvoir, les moments de doute aussi, en proie parfois à des crises ou avec la charge de prendre une décision grave, enfin les années de maladie.
Georges Pompidou y est dessiné avec délicatesse par son fils, à travers les grandes figures de sa vie. Son père, Léon, professeur d’espagnol à l’école primaire de garçons d’Albi, qui l’initie à la culture socialiste et républicaine. Sa mère, Marie-Louise, fille de commerçants et professeur de sciences à l’école des filles, qui lui inculque la droiture, l’honnêteté et le sens du travail. Le jeune Georges se forge aussi en lisant, ainsi Verne, Dumas, Balzac, Stendhal et Proust, chez qui il puise un amour de la tradition comme un goût de la modernité. C’est ensuite la khâgne au lycée Louis-Le-Grand, puis l’Ecole Normale Supérieure, avec Léopold Sédar Senghor. Alain Pompidou raconte d’ailleurs, non sans malice, l’envers du décor, ainsi l’actrice Valentine Tessier, dont le normalien s’est amouraché, allant jusqu’à lui réclamer une photo.
C’est aussi, et bien sûr, Claude, son épouse, avec qui il se marie en 1935, avant de partir enseigner au lycée Saint-Charles de Marseille puis au lycée Henri-IV à Paris, « allant et venant en classe, les mains dans les poches, ne cessant de parler de Racine, Ronsard, Diderot, Baudelaire ». C’est enfin et surtout la rencontre avec le général de Gaulle, rencontre presque fortuite pour celui qui ne l’a pas rejoint à Londres pendant la guerre, ce qui ne l’empêche nullement de se mettre à son service dès la Libération par l’intermédiaire d’un camarade normalien. Et Pompidou de confier, au terme de vingt-cinq ans de compagnonnage : « Nul n’a pu observer l’homme en tant qu’individu et en tant qu’homme d’Etat autant que moi. » C’est que Georges Pompidou a tissé une relation de confiance, peut-être même une relation amicale, avec son chef, qui lui confie la charge de la fondation Anne-de-Gaulle, du nom de sa petite-fille handicapée, en 1946, puis le rôle de chef de cabinet de 1948 à 1953. Rappelé comme directeur de cabinet en 1958, lorsque de Gaulle revient au pouvoir, il descend les Champs-Elysées à ses côtés, le 8 janvier 1959, honneur suprême qui ne l’empêche pas de refuser un poste de ministre des Finances, avant d’accepter finalement Matignon en 1962, avec la suite que l’on connaît. Si Alain Pompidou consent que succéder à de Gaulle était « une tâche écrasante », cette nouvelle biographie éclaire cependant l’homme mais aussi le réformateur, dont l’héritage est indissociable de celui du Général. Au point qu’on ne peut que penser aux mots d’Olivier Guichard : « Plus le temps passe, plus ces deux destins entrecroisés, dont l’histoire subtile n’est pas écrite, se télescopent dans ma mémoire. Plus on s’ingénie à les distinguer, plus étroit me paraît le lien qui tissait leur compagnonnage. »
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